Incendie du 06 septembre

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Le jour le plus sombre

Le 6 Septembre 1914, Heiltz-le-Maurupt brûlait.
C’était la bataille de la Marne, et si les combats se déroulaient à Pargny-sur-Saulx et à Maurupt, les maisons du village épargnées par l’incendie étaient occupées par les allemands et souvent servaient d’infirmerie. En particulier la maison HUSSON (actuellement occupée par Mr TRONCHET) et la Filature où il y a quelques années encore on pouvait lire des inscriptions en allemand datant de Septembre 1914.
La plupart des habitants étaient émigrés vers Saint-Dizier et au delà – Rachecourt – Eurville – Moeslains etc.., quelques uns plus loin et d’autres tout simplement dans les bois vers la Haute Grenille ou au Soussaie des Messieurs, Ceux qui étaient restés dans le village ont été emmenés à Jussecourt et à Sogny où ils ont été internés.
La famille Garnon, qui est partie en dernier a pu voir les troupes de chasseurs à pied en position près du pont de l’Ornain et traverser Pargny-sur-Saulx bourré d’infanterie française, C’étaient les chasseurs à cheval qui fermaient la retraite.
L’occupation d’Heiltz-le-Maurupt a duré du 6 au 12 Septembre.
Pourquoi le village a-t-il été incendié le 6 Septembre ? on ne le saura sans doute jamais.
Lorsque le 12 Septembre les allemands battent en retraite, les habitants cachés à proximité ou partis en dernier sont revenus.
Une trentaine de prisonniers, en partie blessés étaient parqués dans la maison HUSSON.
Une tente “infirmerie” avait été installée à l’Est de la rue du Jard et un certain nombre de soldats allemands étaient enterrés dans ce secteur, d’autres aux environs de la Filature. Du matériel et équipement avait été brûlé par les allemands avant leur départ. Le sol était parsemé d’armes, de matériel divers et de munitions.
Les premiers habitants revenus durent enterrer les morts plus profondément et surtout les chevaux, Mr David Regnault fut réquisitionné pour transporter les blessés à Charmont.
Le village offrait alors un paysage désolé de décombres calcinés. Les maisons étant presque toutes en bois et torchis, il ne restaient debout que les cheminées et les fours qui étaient en brique ou en carreaux de terre.
Spectacle lugubre que de nombreuses cartes postales nous ont conservé et que vous pourrez bientôt voir exposées au Musée.
Dès maintenant, vous pouvez voir à la mairie, un plan présentant en couleurs différentes les maisons d’après guerre et les plus récentes.
Ce plan fait également apparaître les baraquements provisoires de 1914 existants encore tels quels ou améliorés.

Chronologie des évènements sur le plan militaire

Selon le livre sur les Combats de Maurupt pendant la bataille de la Marne du 5 au 11 septembre 1914, écrit par le général Toulorge, édité en 1925 par les établissements André Brulliard de Saint-Dizier.

Situation militaire au moment des faits

Le 2 août 1914, la France est entrée en guerre contre son ennemi héréditaire l’Allemagne. Suite à la bataille des frontières dans le nord-est de la France mi-août 1914, le commandement des armées françaises décida une manœuvre de retraite de toutes nos forces dans le but d’échapper à l’étreinte de l’ennemi et avec l’intention de reprendre l’initiative des opérations sur le point et au moment qu’il choisirait. La période du 22 août au 5 septembre 1914 a donc été employée à une retraite ordonnée de nos armées vers le sud. Le repli s’effectue sur ‘les rivières’ c’est-à-dire que les troupes françaises stationnent chaque fois qu’une rivière est franchie pour tirer sur les allemands quand ils voudront la franchir à leur tour.

Le 6 septembre 1914, un message est communiqué à tous jusque sur le front, de la part du général Joffre, commandant en chef des armées françaises : « Au moment où s’engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis, et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne saurait être tolérée. » La bataille de la Marne va s’engager, marquant la fin de l’avancée allemande.

Le moral était très bon dans les armées allemandes et françaises. Les combats autour de Maurupt du 6 au 11 septembre vont être effectués par la 5e brigade (7000 h) sous le commandement du général Toulorge.

Notion d’Ensembles militaires en 1914 (du plus au moins importants en hommes) :

Armée Corps d’armée Division Brigade Régiment Bataillon Compagnie Section
    20 000 h 7000 h 3000 h 1000 h 200 h 40 h

Le 5 septembre 1914 : Retrait des forces françaises

7h40 Ordre est donné au 128e régiment d’infanterie de positionner ses 3 bataillons à Villers, Sogny et Heiltz-le-Maurupt.
10h La cavalerie allemande (6eme régiment de Uhlans) attaque Villers et Sogny
11h Le général Toulorge (commandant la 5eme brigade) arrive à HLM la 5e compagnie (du 72e régiment d’infanterie) y stationne – elle sera à 13h à Etrepy La pression allemande augmentant à Villers, il envisage de se replier vers Pargny
11h20 La batterie du 17e régiment d’artillerie se trouve à l’est de HLM, près de la ferme d’Ulmoy La 4eme compagnie (du 1er bataillon du 128e régiment) se trouve à l’ouest de HLM
13h Le général Toulorge reçoit de son poste de commandement à Heiltz-le-Maurupt l’ordre du général Cordonnier commandant la 3e division de se replier vers Etrepy
16h Le 2ème bataillon (du 128e régiment) décroche de Villers vers Pargny
16h20 Le général Toulorge, commandant des forces françaises, quitte HLM
17h30 L’artillerie allemande bombarde Sogny depuis Vanault puis l’infanterie allemande marche de Vanault vers Sogny et prennent le village
20h Le reste du 128e régiment décroche de HLM vers St Lumier-la-populeuse Marche à pied sous une chaleur accablante, très dur pour certains. Arrivée des derniers à 23h

Le 6 septembre 1914 : Occupation par les forces allemandes

4h30 Le 19e chasseurs qui a cantonné à Maurupt lance 3 reconnaissances à cheval.
L’une d’entre elles (1 officier, 1 sous-off et 8 cavaliers) commandée par le lieutenant Fougère passe à Pargny à 5 h, franchit la Saulx et se dirige vers Heiltz-le-Maurupt et Jussecourt
5h30 Elle trouve ces deux villages libres, inoccupés donc continue vers le nord.
Elle se heurte à 200 m au nord de HLM (vers Sogny) à des fractions ennemies qui les fusillent.
Elle est obligée de repartir vers Pargny (avec 2 prisonniers allemands qui marchaient vers Pargny).
5h45 Les allemands ont lancé quelques obus sur HLM (ils ne savent pas que le village est vide ?
La mairie a été atteinte et une maison incendiée.
6h Le village est encerclé par la cavalerie allemande (6eme régiment de Uhlans)
6h10 Les cavaliers investissent le village immédiatement
Ils sont suivis par l’infanterie postée au Nord du village sur la route de Sogny
Il s’agit du 88e régiment de la 41e brigade de la 21e division du 18e corps actif de la IVe armée allemande.
Des cavaliers, pied à terre, sont vus près de Pargny peu après 6 heures
Le gros d’infanterie avec 3 ou 4 batteries a dû traverser le village avant 7 heures
6h30 Les 1er éléments d’infanterie allemande sont à portée de fusil de Pargny
7h L’artillerie allemande a pu se mettre en batterie près de HLM (pour bombarder le front sur la Saulx).
10h Les allemands incendient des maisons de HLM.

Le 11 septembre 1914 : Libération du village

10h30 Le 19e régiment de chasseurs (cavalerie) sous le commandement du colonel Guitaut reçoit l’ordre de poursuivre la retraite des allemands vers Etrepy, Heiltz-le-Maurupt et Villers.
13h30 La garnison allemande évacue Heiltz-le-Maurupt ne laissant que quelques hommes de garde aux issues.
14h Une moitié du 19e régiment français subit des coups de feu près de la ferme d’Ulmoy à Heiltz-le-Maurupt
Les issues sud-est du village sont barricadées et organisées avec du fil de fer.
15h30 la résistance est brisée et le demi-régiment de chasseurs à cheval délivre le village.
Nos cavaliers y trouvent une ambulance contenant 40 blessés français et une autre contenant 60 blessés ennemis
Un médecin auxiliaire et deux infirmiers allemands sont restés auprès de ces ambulances.
Soir Message du général Joffre : «La bataille qui se livre depuis cinq jours s’achève par une victoire incontestable…
Tous, Officiers, sous-officiers et soldats avez répondu à mon appel. Tous, vous avez bien mérité de la Patrie.»

Conséquences pour Heiltz-le-Maurupt

169 habitations sur 207 furent détruites du 6 au 11 septembre.
Une dizaine d’habitants ont été tués ou assommés pendant cette période.
Une citation à l’ordre de l’Armée (Croix de guerre) décernée le 20 septembre 1920 rappelle que «Heiltz-le-Maurupt par son héroïque sacrifice et ses deuils a droit à le reconnaissance du pays.»


Témoignage sur la guerre en Champagne

Pendant la bataille de la Marne, les troupes françaises chargées de défendre Pargny, Maurupt et Sermaize subirent les bombardements de l’ artillerie lourde que les allemands avaient installée à Heiltz-le-Maurupt.

Le 5 septembre sur les conseils d’officiers français la majeure partie de la population a fui. L’àbbé Hugny se réfugie provisoirement pense-t-il dans un bois voisin avec sa famille, il s’abrite sous de la paille et des branches.

Le 6 septembre, le village fut pillé, dévasté. : « La canonnade est violente. D’épais nuages de fumée montent de tous les côtés. En quelques heures, l’église, le presbytère, la mairie, les écoles, 187 maisons particulières sont la proie de flammes. Au centre du brasier, le temple protestant a été épargné.

Le clocher a brûlé le dernier, la flèche a été abattue. Elle surmontait, de 32 m, la tour romane.

Les cloches ont fondu sous l’action de la chaleur. Le métal est tombé goutte à goutte sur les voûtes, avec les ardoises des toits. De tout le village, il n’est resté debout ça et là que quelques demeures dont celle de l’instituteur et une habitation qui servit d’hôpital allemand, dans laquelle le prince de Hesse-Nassau blessé passa la nuit du 7 au 8 septembre.

Les 7 et 8 septembre, dans le refuge des bois, on compte les coups de canons, parfois 400 en moins d’un quart d’heure. On cherche à distinguer les batteries allemandes des batteries françaises, le tic-tac des mitrailleuses, le ron-ron des avions. Parfois les cris des blessés arrivent à nos oreilles.

Le 9 septembre, à 2 heures de l’après-midi, les vivres diminuent. Je pars vers Heiltz-Ie-Maurupt. Un officier prussien m’arrête: « J’avais cherché un abri contre les bombardements. Les vivres faisant défaut, je reviens… » il me donne un guide pour traverser les troupes.

J’arrive au village, est-ce bien là Heiltz-le-Maurupt? Cette forêt de briques et de tuiles brisées, ces rues jonchées de paille souillée, remplies de détritus de toutes sortes, exhalant une odeur insupportable, cette tour découronnée de son clocher… Les prussiens m’envoient à Sogny. J’échoue à la maison du Maire. Partout, des factionnaires: dans une cour. Une quarantaine d’internés, tous de Sogny et d’ Heiltz-le-Maurupt. Deux jours se passent là, défense absolue de sortir.

Samedi Il septembre, à 5 heures du matin, plus d’Allemands, ni dans la cour, ni dans la rue. »

De retour à Heiltz-le-Maurupt, on prêta au curé, l’étable décente d’une maison épargnée par l’incendie.


La météo du 5 au 12 septembre 1914

Date Matin Soir
Samedi 05/09 Il fait 30° et temps très, très lourd
Dimanche 06/09 Il fait frisquet, presque froid, léger vent
Lundi 07/09 Il fait vraiment frisquet, “on se les gèle”
Mardi 08/09 Il fait toujours plus froid Orage terrible
Mercredi 09/09 Pluie glaciale ciel couvert et venteux
Jeudi 10/09 Pluie fine, il fait moins froid Pluie torrentielle
Vendredi 11/09 Gros nuages, vent puis pluie Pluie persistante
Après le 12/09 Beau temps

Forces Allemandes en présence

Les Armées allemandes étaient sous le commandement en chef du Généralissime Von Moltke.

La IVe armée (Duc de Wurtemberg) était composée de 4 corps d’armées (2 actifs et 2 de réserve en seconde ligne) selon la constitution

  • 8e corps de réserve (Général Von Egloffstein)
    • 16e division de réserve -> Bignicourt et le Buisson
      • 29e brigade
        • 28e régiment
        • 68e régiment (première ligne allemande)
      • 31e brigade
        • 25e régiment
        • 65e régiment
      • 2e régiment lourd de réserve – cavalerie de la division
  • 18e corps actif (Général Von Schenck)
    • 21e division
      • 41e brigade
        • 87e régiment -> Pargny
        • 88e régiment -> a envahi Heiltz-le-Maurupt le 06/09/1914
      • 42e brigade
        • 81e régiment -> Etrepy
        • 80e régiment réserve de division
      • 6e régiment de Uhlans (cavalerie)
    • 25e division
      • 21e brigade d’artillerie -> positionné à l’Ouest d’Heiltz-le-Maurupt
      • 25e brigade d’Artillerie
        • 25e régiment d’artillerie : -> positionné à l’Est Heiltz-le-Maurupt
        • 61e régiment d’artillerie : -> Villers-le-sec
      • 49e brigade
        • 115e régiment -> Sermaize
        • 161e régiment -> Pargny
      • 50e brigade d’artillerie
        • 118e régiment d’artillerie -> Revigny
        • 117e régiment d’artillerie en appui
      • 6e régiment de dragons (cavalerie)
  • 4e corps actif
  • 18e corps de réserve (Général Von Stenben) en appui derrière le 18e corps actif

Forces Française en présence

Armées françaises (Général Joffre – commandant en chef)
IVeme armée (Général de Langle de Carry)
2eme corps d’armée (Général Gérard)

  • 4e Division (Général Rabier) – Aile droite du corps d’armée à l’est
    • 9e bataillon de chasseurs rattaché pendant la bataille à la 5e brigade
    • 18e bataillon de chasseurs rattaché pendant la bataille à la 5e brigade
  • 3e Division (Général Cordonnier) – Aille gauche à l’ouest
    • 6e brigade
    • 5e brigade d’infanterie (général Toulorge) servant d’arrière-garde pendant cette retraite
      • 72e régiment d’infanterie (Lt-Colonel Monterou) – 52 officiers, 3100 hommes
        • 1er bataillon (commandant Muzard)
        • 2eme bataillon (commandant Houssais)
        • 3eme bataillon (capitaine Villiot)
      • 128e régiment d’infanterie (chef de bataillon Roux) – 54 officiers, 2700 hommes
        • 1er bataillon (commandant Elie) -> Villers-le-sec
          • 4ème compagnie sur HLM avec 4 sections
        • 2eme bataillon (capitaine Bourdin) -> Sogny
        • 3eme bataillon (commandant Souty) -> présent à HLM le 05/09/1914
      • 17e régiment d’artillerie
    • 19e régiment de chasseurs (Colonel Guitaut) – cavalerie du corps d’armée
      • 5eme escadron (capitaine Boillot) – 5 officiers, 150 sabres